La prise d’acte de la rupture du contrat de travail est un mode de rupture autonome du contrat de travail par lequel le salarié tente d’imputer la rupture de son contrat aux torts de son employeur.
Cette prise d’acte a les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si le salarié démontre que l’employeur a gravement manqué à ses obligations empêchant ainsi la poursuite du contrat de travail.
(Cass. Soc. 30 mars 2010 – n°08-44.236)
(Cass. Soc. 5 Juillet 2017 – n°16-11.520)
Cette jurisprudence est devenue extrêmement appréciée des salariés souhaitant quitter leur emploi pour se consacrer à un autre projet professionnel.
En effet, tout manquement même ancien devenait prétexte pour prendre acte de la rupture du contrat de travail : l’absence de visite médicale d’embauche, l’absence d’une ou plusieurs visites médicales périodiques, l’attribution de tâches supplémentaires, une proposition de modification de contrat non mise en œuvre, l’absence d’entretien d’évaluation et le non-paiement des heures supplémentaires etc…
Il suffisait notamment, de revendiquer le non-paiement d’heures supplémentaires de longue date, sur la base d’un tableau créé artificiellement pour les besoins de la cause, pour prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur et solliciter devant le Conseil de Prud’hommes les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A diverses reprises, la Cour de Cassation a ainsi eu l’occasion de préciser que le non-paiement des heures supplémentaires constituait une faute suffisamment grave pour autoriser le salarié à prendre acte de la rupture de son contrat de travail et conférer à cette rupture les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
(Cass. Soc. 25 mai 2004 – n°02-43.042)
(Cass. Soc. 9 février 2011 – n°09-40.402)
Devant la multiplication du contentieux de la prise d’acte, la Cour de Cassation a eu l’occasion de préciser au mois de mars 2014, pour refuser de conférer à une prise d’acte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que les manquements de l’employeur qui « étaient pour la plupart anciens » « n’avaient pas empêché la poursuite du contrat de travail ».
(Cass. Soc. 26 mars 2016 – n°12-23.634)
Cette jurisprudence a été confirmée depuis à diverses reprises pour différents griefs anciens :
- L’absence d’entretien d’évaluation (Cass. Soc. 9 Décembre 2015 n° 14-25.148)
- Une modification unilatérale imposée il y a plus de 20 ans (Cass. Soc. 13 avril 2016 n°15-13.447)
- Le non-paiement de primes régularisées avant la prise d’acte (Cass. Soc. 21 Avril 2017 n°15-19.353)
Pour la première fois, dans un Arrêt du 14 novembre 2018, la Cour de Cassation applique sa jurisprudence aux heures supplémentaires en décidant que le non-paiement de toutes les heures supplémentaires sur une période de 5 ans ne permettait pas au salarié de prendre acte de la rupture de son contrat de travail au motif que le salarié avait « attendu pour solliciter de manière officielle une régularisation salariale », « cette situation présentant un caractère ancien ».
(Cass. Soc. 14 Novembre 2018– n°17-18.890)
On doit saluer cette décision qui va mettre un frein aux prises d’actes opportunistes sur la base d’heures supplémentaires non rémunérées plusieurs années auparavant et jamais revendiquées par le salarié.
Espérons que le critère de la « revendication officielle » à laquelle fait référence la Cour de Cassation, soit prise en compte par les Conseils de Prud’hommes et les Cour d’Appel et devienne un préalable obligatoire à toute prise d’acte.